Colette Nys-Mazure

Éthique du nord
Dans ce paysage sans hauteur, où le regard en montant ne rencontre que les nuages et rien qui les soutienne, n’était le cri d’un clocher entre les peupliers, qui n’est contraint de chercher en lui-même l’altitude ?
Quand se taisent aux fenêtres les fredonnements du soleil – pour d’autres cieux son plain-chant – et que roussissent les frondaisons, il se fait temps d’allumer les lampes, d’exciter les feux, de rentrer au profond de soi-même en quête d’une vie plus rigoureuse.
L’hiver sera trop doux pour aiguiser nos sens : dans les pluies, les grésils, les neiges fugaces, s’exténuera notre soif d’austérité. Il nous faudra tenir dans la grisaille sans gloire des bourbiers et tenir encore ; en attente d’un improbable printemps.
Qui surgira soudain sous les flaques minuscules des violettes, au milieu de la danse des jacinthes sauvages, sous les cascades des vergers en fleurs, dans les parfums oppressants des narcisses et des lilas.
Pays tempérés, plats pays sans certitudes, sans passions sinon obscures et toujours retenues. Pays de tendresses longues et d’élans discrets.
Régions d’ombres fluides, agitées par les vents jouant dans les ormes, les hêtres pourpres, les vastes marronniers; régions d’eaux lentes, de collines basses. Territoires intérieurs livrés aux fervents : les attentifs du petit matin, les patients de midi, les attardés du jour. Terres de fidèles.
Etica del nord
In questi paesaggi senza altezza, dove lo sguardo salendo non incontra che nuvole a sostenerlo, non era forse un grido di campanile tra i pioppi, che non è costretto a cercare in se stesso l’altezza?
Quando tace il canticchiare del sole contro le finestre – per altri cieli il suo canto pieno – e s’indorano le fronde, è tempo di accendere le lampade, attizzare i fuochi, sprofondare di nuovo in se stessi alla ricerca di una via più rigorosa.
L’inverno sarà troppo dolce per aguzzarci i sensi: nelle piogge, nel nevischio, nelle nevi fugaci, si estenuerà la nostra sete di austerità. Dovremo resistere nel grigiore senza gloria del pantano e ancora resistere; in attesa di una improbabile primavera.
Che spunterà all’improvviso sotto le minuscole pozze di violette, nel bel mezzo della danza dei giacinti selvaggi, sotto le cascate dei frutteti in fiore, nei profumi opprimenti di narcisi e lillà.
Paesi temperati, paesi piatti privi di certezze, senza passioni, se non quelle oscure e sempre trattenute. Paesi di lente tenerezze e slanci discreti.
Regioni d’ombre fluide, agitati da venti che giocano nelle orme, faggi purpurei, vasti castagni; regioni d’acque lente, di colline basse. Territori interiori consegnati ai ferventi: agli attenti del piccolo mattino, ai pazienti del mezzogiorno, ai ritardatari del giorno. Terre di fedeli.
Nocturnes
solitude aux longues jambes
—toujours à nous rattraper au tournant
——————-nous gagner de vitesse
compagne trop fidèle
——-que nous voulions égarer
enfonçant nos têtes dans le sable mou
les gouttes de l’horloge métallique
—————-ne nous atteignent plus
*
fouler la neige du silence
————–l’angoisse blanche des nuits
filer les cris feutrés de l’abîme
————–dans la trame des évidences
fine oh si fine la cloison
—————-entre folie et raison
les chiens les anges
————–hurlent au crépuscule
et toi ne cornes-tu pas à l’approche du néant?
trois soleils entre mille ombres
*
l’ombre assoupie au pas des portes
——-lézarde les rêves
le dormeur appesanti remue aveuglément
—————–tente de changer d’armures
il ne ramènera rien dans les filets de l’aube
à l’aurore chavirent les chimères
le matin a le goût acide
——————-du réel sans recours
Notturni
solitudine dalle gambe lunghe
—che sempre ci raggiungi in curva
———————ci batti in velocità
compagna troppo fedele
——-che volevamo seminare
affondando le teste nella sabbia molle
le gocce dell’orologio metallico
——————non ci raggiungono più
*
calpestare la neve del silenzio
————–l’angoscia bianca delle notti
filare le grida ovattate dell’abisso
————–nella trama delle evidenze
fine oh così sottile la divisione
————–tra follia e ragione
i cani gli angeli
————–urlano al crepuscolo
e tu non suoni il corno all’approssimarsi del nulla?
tre soli tra mille ombre
*
l’ombra assopita al passo delle porte
——-crepa i sogni
abitato il dormiente si dimena alla cieca
——————tenta di cambiare armamenti
non raccoglierà nulla nelle reti dell’alba
all’aurora si rovesciano le chimere
il mattino ha il gusto acido
——————del reale senza ricorso
Colette Nys Mazure, Il grido dell’alba, Kolibris 2010
Colette Nys-Mazure: Poetessa belga nata nel 1939, vive a Tournai, vicino Lille. Dopo trent’anni di scrittura poetica ha conosciuto un grande successo con le sue opere in prosa poetica, soprattutto Celebrazione del quotidiano, Segreta presenza e Celebrazione della madre. In poesia ha pubblicato numerose raccolte, tra cui La vie à foison (1975), D’amour et de cendre (1977), Pénétrance (1981 – Prix hainuyer de la Littérature française Charles Plisnier), Petite fugue pour funambules (1985), Haute enfance (1989 – Grand Prix de poésie pour la jeunesse), Le for intérieur (1996 – Prix Max-Pol Fouchet), Trois suites sans gravité (1999 – Prix de la Ville de Toquet-Paris-Plage), Célébration de Noël (2000), Les ombres et les jours (2003), Contrechamps (2004).